La dette : une menace pour la prospérité économique et sociale ?

par | 25 Fév 2025 | Éco-Droit, Économie, Economie, sociologie et histoire

Le 21 mai 2023, alors qu’il devait se rendre en Papouasie-Nouvelle-Guinée après le sommet du G7 à Hiroshima, le président américain Joe Biden est contraint de rentrer à Washington. La menace d’un défaut de paiement plane sur l’économie américaine. Il doit alors participer aux négociations au Congrès sur une décision cruciale. Réduire les dépenses fédérales pour rembourser la dette ou relever le plafond de 31 000 milliards de dollars déjà atteint.

Cette urgence dépasse les frontières des États-Unis. En France, François Bayrou fait face à une dette historiquement élevée. Celle-ci s’élève à 3 303 milliards d’euros à la fin du troisième trismestre 2024. La peur du défaut de paiement trouve son origine dans la crise grecque de 2009, dont l’économie peine à se relever. Aujourd’hui, l’endettement des pays de l’OCDE menace la stabilité financière mondiale. Elle fragilise également les marchés monétaires, boursiers et le financement des politiques publiques.

La dette publique regroupe l’ensemble des emprunts contractés ou garantis par l’État, résultant de l’accumulation des déficits (INSEE). Elle se distingue de la dette des ménages, qui correspond aux sommes dues à des tiers selon des conditions préétablies (intérêts, échéances). Le taux d’endettement des ménages est un autre indicateur clé. Il reflète les inégalités de consommation et aurait pu alerter sur la crise des subprimes en 2008.

Le risque de l’endettement public

Dans la doctrine économique classique et néoclassique, l’endettement public était perçu comme un ultime recours, principalement en période de guerre. Son usage est resté marginal jusqu’à la révolution keynésienne de 1929. Cependant, avec la fin du keynésianisme, lorsque « l’inflation ne provoque plus suremploi mais chômage et surchauffe » (Jacques Rueff, La fin de l’ère keynésienne), un nouveau paradigme s’installe à la fin des années 1970.

L’essor du néo-libéralisme, porté par des économistes comme Milton Friedman et l’école du Public Choice (Buchanan, Tullock), remet en cause le rôle économique de l’État. Selon eux, ce dernier est biaisé et tout endettement public devient inefficace, voire nuisible.

S’endetter en économie ouverte comporte aussi des risques. Une dette libellée en devise étrangère expose un pays aux fluctuations des taux de change et aux décisions des banques centrales. Par exemple, au début des années 1980, la politique de « grande désinflation » menée par Paul Volcker à la tête de la FED entraîne une forte hausse des taux d’intérêt américains. En conséquence, la valeur du dollar s’envole, augmentant brutalement le coût des dettes libellées en dollar. Cela conduit le Mexique à annoncer son incapacité à rembourser sa dette en 1982.

Entre inefficacité et crises financières

Un défaut de paiement a des conséquences dramatiques. L’économie ralentit brutalement, le chômage explose et des mesures d’austérité draconiennes sont mises en place (cf. PAS du FMI). Ces mesures, qui consistent à limiter drastiquement les dépenses publiques pour rembourser la dette, entraînent une forte dégradation du niveau de vie. La Grèce en a fait l’expérience en 2008 et son taux de chômage reste élevé aujourd’hui.

Si les États-Unis bénéficient d’un « déficit sans pleurs », grâce à la position du dollar comme monnaie de réserve mondiale, un défaut de paiement américain aurait des conséquences désastreuses : effondrement des actifs en dollar et instabilité du système monétaire international. En France, un tel scénario mettrait en péril l’ensemble de l’économie. Cela affaiblirait l’euro, menaçant la stabilité monétaire de l’Union européenne.

L’endettement des ménages, une bombe à retardement ?

Moins médiatisé, l’endettement des ménages constitue pourtant un autre facteur de risque pour la stabilité économique. Il reflète souvent les inégalités de consommation. Si trop de ménages s’endettent pour maintenir leur niveau de vie mais deviennent insolvables, les banques se retrouvent avec des créances douteuses, provoquant des crises financières, comme celle des subprimes en 2008.

Dans Endettement et inégalités (2010), Kumhof et Rancière soulignent qu’« un accroissement durable des inégalités de revenu incite à emprunter aux riches et augmente le risque de crise économique grave ». Ils montrent que lorsque l’endettement des ménages dépasse un seuil critique (dans ce cas, sur 30 ans, avec 10 % des prêts devenus défaillants), la production chute brutalement, comme en 2007-2008. Les causes de cette crise rappellent celles de 1929.

Aujourd’hui, l’inflation persistante et la baisse des taux d’intérêt pourraient inciter les ménages à s’endetter davantage pour compenser la perte de pouvoir d’achat. Aux États-Unis, la FED enregistrait 4 750 milliards de dollars de crédits à la consommation en 2023, avec une croissance annuelle des crédits de 7,1 % en novembre. Cette tendance doit être surveillée de près par les autorités monétaires.

Les avantages d’un endettement contrôlé

L’endettement public présente néanmoins des bénéfices majeurs. Historiquement, la révolution keynésienne a permis de sortir l’économie américaine de la Grande Dépression en finançant de vastes programmes comme les « Grands Travaux », qui ont redonné de l’emploi et relancé l’activité.

Aujourd’hui, les modèles sociaux en France, inspirés par les doctrines bismarckienne et beveridgienne, reposent sur un endettement important. Santé, aides sociales et éducation sont en partie financés par la dette et constituent des investissements essentiels pour la croissance économique à long terme.

À l’inverse, des politiques de désendettement trop brutales risqueraient de nuire à la croissance en réduisant le financement des services publics. L’exemple de l’Argentine sous Javier Milei illustre les dangers d’une limitation excessive de l’intervention étatique : malgré une possible stabilisation économique, la population subit une forte chute de son niveau de vie.

Enfin, la dette est aussi un enjeu politique. Elle est souvent utilisée comme argument contre un gouvernement. Or, certaines initiatives financées par la dette, comme le bouclier tarifaire ou le « quoi qu’il en coûte », sont largement soutenues par les économistes.

Comment revenir à un endettement soutenable ?

Si l’endettement est nécessaire pour financer les modèles sociaux modernes, il doit être maîtrisé. Un désendettement progressif semble être la solution la plus viable.

Dans Le fardeau de la dette (1944), Domar démontre qu’une dette publique peut être soutenable si la croissance nominale dépasse le taux d’intérêt sur cette dette. En France, entre 1950 et 1970, la croissance annuelle réelle dépassait 5 %. Les taux d’intérêt réels n’étaient que de 1,2 % en moyenne. Stimuler la croissance pourrait ainsi permettre de réduire progressivement la dette.

L’endettement des ménages pourrait être encadré par des politiques de redistribution plus ambitieuses pour :

  1. atténuer les inégalités de consommation
  2. éviter une nouvelle crise financière.

Conclusion

Bien que l’endettement des pays de l’OCDE soit préoccupant, l’austérité et ses impacts sociaux constituent la principale menace. Toutefois, l’histoire montre que la dette est un outil essentiel pour soutenir l’économie et financer les services publics.

Un désendettement progressif, appuyé sur la croissance économique, semble être la meilleure stratégie pour garantir un équilibre entre stabilité financière et maintien du modèle social.

L’ESH avec Mission Prépa

Mission Prépa accompagne depuis plus de 4 ans des centaines d’étudiants en ESH. Cliquez-ici pour accéder à nos fiches complètes synthétisant ce qu’il vous faut savoir dans chaque chapitre pour être capable de traiter n’importe quel sujet de concours. Notre programme « Cours Particuliers » vous permet de vous améliorer chaque semaine en travaillant intensivement sur vos difficultés.

Reçois ton kit de survie du préparationnaire gratuit !

Méthodologies, Cours condensés, Exercices corrigés, conseils,… Tout pour te faire progresser en un rien de temps !

Nos réseaux sociaux

Derniers articles

4 conseils pour finir ses DS à temps en prépa ECG/ECT

En prépa ECG/ECT, il est évidemment crucial de terminer ses DS dans le temps imparti. Comme le soulignent de nombreux rapports de jury, une copie incomplète est sévèrement sanctionnée, voire ignorée. Ne pas finir à temps réduit considérablement vos chances d’intégrer...

5 conseils pour mieux ficher ses cours d’ESH

L'ESH est une matière exigeante qui requiert un apprentissage fin du cours. Compte tenu de la taille importante du programme, il est quasi-obligatoire de ficher ses cours. La constitution de fiches permet de cibler les éléments principaux à retenir et à mobiliser en...

Comment trouver son rythme en classe prépa ?

La rentrée est désormais bien entamée : vous venez d’arriver en classe prépa ou vous avez déjà repris depuis quelques semaines. Vous cherchez toujours à trouver votre rythme pour exploiter votre plein potentiel ? Vous trouverez dans cet article des conseils vous...

REÇOIS TON KIT DE SURVIE GRATUIT !

Des méthodologies et des cours condensés dans TOUTES les matières, des exercices corrigés, et des conseils d’anciens préparationnaires