La monnaie est un concept relativement peu compris. C’est l’actif par lequel la valeur de tous les agrégats économiques s’exprime. Pourtant, la monnaie n’est en rien un actif figé dans sa forme et les économistes ne l’appréhendent pas du tout de la même manière.
Dans ce premier d’une série de trois articles, je cherche à vous présenter une définition de la monnaie et un résumé des formes qu’a prises cet actif au cours de l’Histoire. Le deuxième article sera consacré aux théories économiques de la monnaie et le troisième à la gestion de la monnaie par les institutions, à travers une analyse des politiques monétaires.
Comment définir la monnaie ?
Une définition consensuelle de la monnaie, utile en introduction d’une dissertation d’ESH, est que celle-ci est un actif liquide que détiennent les agents, mobilisable pour l’évaluation et le règlement d’achats ou de dettes au sein d’un communauté d’échange. Décomposons cette phrase :
- un actif : la monnaie est un actif, puisqu’elle peut être possédée par des agents et constitue une forme de richesse.
- liquide : contrairement à d’autres actifs tels que des biens physiques, la monnaie a un pouvoir libératoire général, c’est-à-dire qu’elle peut être mobilisable sans délai ni paiement pour le règlement d’un achat ou le remboursement d’une dette. C’est ce qui définit la liquidité d’un actif.
- communauté d’échange : la monnaie n’a aucune réalité autre que celle qu’en ont convenu des individus formant une société. C’est une notion purement conventionnelle.
L’approche fonctionnaliste ou « aristotélicienne »
Selon ce courant datant d’Aristote (La Politique), la monnaie n’a de valeur qu’à travers les fonctions qu’elle sert. Celles-ci sont au nombre de trois, développées par de nombreux économistes au cours de l’Histoire :
Intermédiaire des échanges : la monnaie est un équivalent général qui abolit les coûts de prospection et facilite les échanges par la résolution de « la double coïncidence des besoins ». En effet dans une économie de troc, il existe des coûts liés au fait que chaque partie d’un échange doive trouver celle qui possède exactement le bien qu’elle cherche.
Unité de compte : Selon Ricardo, la monnaie simplifie l’échange car réduit de n(n-1)/2 à n-1 le nombre de prix relatifs à fixer. Il est vrai qu’une économie de troc démultiplie les prix relatifs. Par exemple le prix relatif d’un aspirateur et d’une télévision peut être unique à chaque transaction, alors que ce rapport reste le même avec une monnaie réglant tous les échanges.
Réserve de valeur : La monnaie assure un « pont entre le présent et l’avenir » selon Keynes, ce qui permet de dissocier acte d’achat et de vente mais aussi d’épargner.
Au-delà de l’approche fonctionnaliste : les analyses hétérodoxes
L’école autrichienne
C.Menger et par la suite F.Hayek considèrent que la monnaie est d’origine interactionniste, c’est-à-dire que par mimétisme social, les individus ont adopté progressivement pour monnaie l’actif qui se caractérisait par le plus grand degré « d’échangeabilité ». La monnaie émerge spontanément du fait des comportements des agents qui cherchent à privilégier des marchandises de plus en plus échangeables. Épices, pièces, billets… et aujourd’hui monnaie numérique.
L’approche marxiste
K. Marx (1867, Le Capital) estime que la monnaie reflète l’approfondissement des sociétés marchandes par la Division du travail (DT) s’étant grandement développée à partir de la Révolution industrielle. La DT éclate l’ancienne production du groupe social en de multiples sphères autonomes. La monnaie est la recentralisation, la conversion des travaux privés aux travaux socialisés afin que la production continue d’assurer les besoins de toute la société.
Les évolutions de la monnaie dans l’histoire
La monnaie marchandise
La valeur monétaire de cet actif c’est-à-dire le montant de bien qu’il peut acheter est fortement lié à sa valeur intrinsèque. Les premières formes de monnaie marchandise découvertes datent de -5 000 ans avant JC. Elles furent le plus souvent soit la forme d’une denrée agricole essentielle pour la société et plutôt facilement échangeable (épices, sel…) soit sous la forme de métaux précieux, peu utilisés pour la vie économique mais dont la valeur intrinsèque est liée à leur rareté. Ce dernier type, les monnaies métalliques ( or ou argent) sont la forme la plus récente de monnaie-marchandise.
La monnaie-crédit
Une monnaie-crédit a pour support une créance sur une institution émettrice. Pour comprendre la monnaie crédit, il faut comprendre la relation dette-créance. Un agent possédant un billet de 100$ détient une créance, un élément de richesse vis-à-vis d’une institution. Celle-ci doit en revanche 100$ à l’agent, c’est une dette. Un billet de 100$ est ainsi une créance de celui qui la possède sur l’entité qui l’émet, la banque. Celle-ci « doit » honorer la promesse que le billet pourra acheter des biens d’une valeur égale à 100$. Nous sommes actuellement dans un pur système de monnaie-crédit, entièrement fondé sur la confiance dans l’institution émettrice d’assurer la valeur monétaire des billets et des avoirs sur les comptes en banque des agents.
À partir de l’apparition du capitalisme jusqu’à l’abandon de l’or dans le système monétaire international (1971), La plupart des grandes économies ont alterné entre des systèmes mixtes, c’est-à-dire entre la monnaie crédit et les monnaies métalliques. C’est ce que synthétise la typologie de Wicksell présentée dans Intérets et prix (1898)
- Les économies d’encaisses : On est dans un régime de monnaie métallique pure dans lequel il n’existe pas de monnaie de crédit.
- Les économies de crédit simple : Le crédit existe, mais en contrepartie d’une monnaie métallique qui demeure l’étalon de valeur. Le système bancaire a un rôle assez marginal car son activité de crédit est dépendante des quantités limitées de métaux précieux.
- Les économies de crédit organisé : la monnaie est exclusivement fondée sur le crédit. Le système bancaire est fortement hiérarchisé et développé; il contrôle la circulation et la création de monnaie. Ce système caractérise l’économie mondiale actuellement.
L’évolution historique s’est traduite par une dématérialisation ainsi qu’une centralisation croissante de la monnaie, aujourd’hui très liée à l’action du système bancaire, même si cette évolution n’est pas linéaire.
Ainsi, la monnaie est un concept évolutif et multiforme. Quelle que soit sa forme, cet actif a toujours visé à faciliter les échanges. Mais au-delà d’un outil, la monnaie est une institution puisqu’elle régule les rapports sociaux et que sa légitimité, surtout dans le système actuel de monnaie-crédit qui repose sur la confiance.
Vous êtes en prépa ECG et rencontrez des difficultés à synthétiser vos cours d’ESH ? Cliquez-ici pour accéder à nos fiches complètes synthétisant ce qu’il vous faut savoir dans chaque chapitre pour être capable de traiter n’importe quel sujet de concours.