La politique monétaire : fonctionnement et principes

par | 31 Oct 2022 | Economie, sociologie et histoire

La hausse des taux directeurs annoncée successivement par la BCE et par la FED tente de contenir les tensions inflationnistes récentes qui risqueraient d’éroder l’activité économique mondiale sur le moyen terme. Comme souvent, le recours à la politique monétaire est au cœur de toutes les attentions. Revenons sur les mécanismes en jeu et le rôle des différentes parties prenantes (banques commerciales, banques centrales…).

Qu’est-ce que la politique monétaire et à quoi sert-elle ?

La politique monétaire désigne l’ensemble des décisions et actions mises en œuvre par les autorités monétaires influant sur la quantité de monnaie en circulation dans une zone monétaire, et ce dans le but d’atteindre des objectifs macroéconomiques définis. Ces objectifs portent sur traditionnellement quatre indicateurs : la croissance économique, le taux de chômage, le taux de change et bien sûr l’inflation. Trois observations ressortent de cette définition.

D’abord, le concept de politique monétaire n’a de sens que si l’on accepte que la monnaie puisse être active. Il s’agit bien ici de manipuler la masse monétaire pour influer sur l’économie réelle.
Deuxièmement, on se rend compte que la politique monétaire peut viser plusieurs objectifs au-delà simplement de la stabilité des prix, et ces objectifs peuvent être contradictoires.
Troisièmement, parler de politique monétaire n’a de sens que dans un système de monnaie-dette. En effet les « autorités monétaires » (banques commerciales, Banque Centrale) et donc la politique qu’elles mettent en œuvre prend de l’importance à mesure que leur pouvoir de création monétaire grandit, et qu’il n’est plus dépendant notamment d’un stock d’or comme ce fut partiellement le cas au 19ème siècle. Cet article est donc centré sur la période 1945-2022, et plus spécifiquement 1980-2022.

Quelques notions conceptuelles à bien connaître

Les agrégats de la masse monétaire

La masse monétaire est la quantité d’actifs monétaires en circulation dans l’économie, on peut la classer en trois agrégats selon leur degré de liquidité, c’est-à-dire la facilité avec laquelle ces actifs peuvent être convertis en moyen de transaction (achat, règlement dette).

  • M1: la monnaie dans son acceptation stricte, c’est à dire les dépôts sur les comptes courants et les pièces et billets, immédiatement disponibles pour toute transaction
  • M2: M1 plus la quasi-monnaie, ce sont tous les dépôts à vue rémunérés que les agents peuvent mobiliser en un court délai de temps pour effectuer leur transaction.
  • M3: constitué du M2 et des placements à terme (dépôts, TCN, titres d’OPCVM) dont la conversion en monnaie est une question de délai mais aussi de frais.

Il existe un dernier agrégat à part, dit M0 ou monnaie centrale. Ce dernier comprend une partie du M1 ( les pièces et billets) mais surtout les avoirs et facilités de dépôt des banques de second rang ( commerciales) dans le compte qu’elles ont chacune auprès de la Banque Centrale.

Le processus de création monétaire et ses acteurs

Selon un schéma simple, si une banque accorde un crédit de 1000$ à une entreprise A, elle détient à son actif une créance de 1000$ sur le client A mais son passif s’établit aussi à 1000$. Ces 1000$ de passif correspondent aux liquidités que doit virer la banque sur le compte courant de l’agent en vertu du contrat de prêt, dont une partie pourra être ensuite retirée sous la forme de billets. L’octroi d’un crédit a donc engendré une création de monnaie ex-nihilo, qui est détruite d’un même montant lorsque la dette est remboursée.

C’est en ce sens que l’on dit que les banques commerciales créent de la monnaie (scripturale). Mais la quantité de monnaie pouvant être créée via l’octroi de crédit est elle-même dépendante de la quantité de monnaie centrale détenue par la banque, selon des ratios établis. La banque commerciale accroît son stock de monnaie centrale en en acquérant sur le marché monétaire auprès d’une autre banque contre des titres. Elle peut également le faire auprès de la Banque Centrale directement à un « prix » (les taux directeurs).

Les canaux de transmission de la politique monétaire

L’approche conventionnelle

Depuis 1980, l’approche conventionnelle de la Banque Centrale dans le contrôle de la masse monétaire est une approche indirecte via les changements de taux. Mais l’approche directe par le contrôle de la quantité de crédit accordée à chaque banque était aussi de mise auparavant.

On distingue quatre canaux de transmissions sur l’économie réelle :

  • Le canal du crédit : le plus important des trois taux directeurs est le taux de refinancement (refi), « le coût de l’accès » à la monnaie centrale. La marge d’intermédiation du banquier (son profit) est la différence entre le taux moyen de ses prêts et le taux directeur.  Pour préserver cette marge, le banquier augmente/baisse ses taux lorsque le taux d’intérêt directeur augmente/baisse, impactant ainsi l’abondance/rareté du crédit. Par ce biais la consommation, l’investissement et la croissance sont affectés.
  • Le canal des marchés financiers : Une baisse des taux directeurs induit une baisse du taux d’intérêt, qui diminue alors la rentabilité de l’épargne et des actifs dépendants des taux (obligations). Les agents réorientent leur épargne vers d’autres actifs financiers à plus fort rendement, d’où leur appréciation, actions et immobilier notamment. L’effet de richesse positif qui s’ensuit sur le capital financier des agents gonfle leur patrimoine global, ce qui leur permet d’avoir accès à plus de crédit.
  • Le canal des anticipations : lorsque la Banque Centrale annonce ses objectifs cibles sur une période temps définie, l’incertitude des agents diminue et ces derniers ajustent leurs comportements futurs au gré des annonces. Une bonne communication de la Banque Centrale a donc pour effet de réaliser par les anticipations des agents l’effet recherché de la politique.
  • Le canal du taux de change : une variation des taux d’intérêt entraîne des entrées/sorties de capitaux qui peuvent faire évoluer le taux de change dans le sens d’une plus grande/moindre compétitivité prix à l’export.

L’approche non-conventionnelle

L’application de la politique monétaire dépend des objectifs, néanmoins le schéma consensuel jusqu’en 2008 aux États-Unis et en Europe était :

  • une baisse des taux directeurs en période de récession, afin de relancer la croissance par le crédit et la hausse des marchés financiers.
  • lorsque la croissance s’est réinstallée, une normalisation, c’est-à-dire une ré-augmentation des taux directeurs afin de ralentir le rythme d’octroi de crédit par rapport à la production – évitant ainsi une potentielle surchauffe inflationniste. 

Néanmoins, les pays occidentaux depuis la crise de 2008 et le Japon depuis l’éclatement de sa bulle en 1990 n’ont pas vraiment connu de normalisation, c’est-à-dire que les taux directeurs sont restés relativement bas. Les Banques Centrales de ces pays sont donc entrées dans une nouvelle politique dite non-conventionnelle, qui utilise la taille du bilan des Banques Centrales pour influer sur la masse monétaire. Le Quantitative Easing ou le Quantitative Tightening désignent alors l’ensemble des programmes sur le marché monétaire de rachat (QE) ou de vente (QT) d’actifs financiers par la Banque Centrale auprès des Banques commerciales. Le QE a un effet expansionniste puisque la Banque Centrale achète des actifs contre de la monnaie centrale, tandis que le QT a un effet récessif puisque la BC réduit la quantité de monnaie centrale en revendant les actifs de son bilan.

Pour aller plus loin…

L’initiateur de la politique monétaire est la Banque Centrale à travers son contrôle de la monnaie centrale, aussi appelée base monétaire. En effet celle-ci sert de base à la création de monnaie par les banques commerciales. Le rôle du système bancaire institutionnalisé (Banques Centrales et banques commerciales) est donc devenu croissant dans une économie de plus en plus tirée par la dette. Si les outils des politiques monétaires ont beaucoup évolué après la crise de 2008, une question demeure, celle de la mission réelle des Banques Centrales. Un contrôle strict de l’inflation, la croissance économique ou la stabilité des marchés financiers ? Une hiérarchisation des statuts de la Banque Centrale est primordiale. En poursuivant plusieurs missions parfois opposées, l’action de cette institution pourrait perdre de son efficacité et de sa crédibilité.

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