La croissance économique est un thème central du programme d’ESH. Sa très forte récurrence dans les sujets de concours requiert de s’y intéresser de près. Alors que les reformes récentes de la voie ECG ont donné aux problématiques environnementales et sociétales une place prépondérante dans le programme d’ESH, il est nécessaire de bien maîtriser les concepts de soutenabilité et de durabilité. Cette première fiche concept revient sur une notion qu’il est important de bien assimiler : la soutenabilité de la croissance.
Une croissance soutenable : de quoi parle-t-on ?
Commençons par définir ce que l’on entend par croissance et surtout par « soutenabilité de la croissance ». Pour François Perroux (L’économie du XXe siècle – 1961) la croissance économique correspond à « l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs longues périodes d’un indicateur de dimension ; pour une nation : le produit global brut ou net en termes réels ». Il précisera qu’à terme la croissance est un processus qui doit permettre de satisfaire mieux et plus largement les besoins humains.
Comme son nom l’indique, une croissance soutenable fait référence à la capacité de l’économie à maintenir un taux de croissance élevé sur le long terme, sans que cela ne compromette la viabilité économique à long terme ou la qualité de vie des individus. Le concept de soutenabilité cherche alors à établir s’il est possible de compenser la perte de croissance issue d’une dégradation de l’environnement par l’accumulation des autres capitaux. La soutenabilité de la croissance implique également de prendre en compte les limites écologiques de la planète et de garantir que la croissance est compatible avec la préservation de l’environnement et de la biodiversité.
Soutenabilité faible ou soutenabilité forte ?
Il est généralement admis que la soutenabilité de la croissance peut être comprise de deux manières : la soutenabilité faible et la soutenabilité forte. La soutenabilité faible de la croissance se réfère à la capacité de l’économie à maintenir un taux de croissance élevé sur le long terme, sans que cela ne compromette la viabilité économique à long terme.
La soutenabilité faible
Les partisans de la soutenabilité faible, majoritairement néoclassiques, considèrent qu’il est possible de substituer au capital naturel les autres capitaux. Selon eux, les différents types de capitaux (naturel, humain, financier, etc.) peuvent être substitués les uns aux autres, ce qui permet à l’économie de s’adapter aux contraintes et aux changements. Par exemple, si les coûts de production d’une matière première augmentent, l’économie peut se tourner vers une matière première substituable moins coûteuse. De même, si les ressources naturelles sont menacées, l’économie peut développer de nouvelles technologies moins consommatrices de ressources ou utiliser des ressources renouvelables.
Quelques références théoriques pour creuser le sujet :
- « The Economics of the Coming Spaceship Earth » de Herman Daly et Kenneth Townsend, publié en 1966. Cet article met en avant l’importance de la substituabilité des différents types de capitaux (naturel, humain, financier, etc.) pour la soutenabilité de la croissance.
- John Hartwick “Intergenerational Equity and the Investing of Rents from Exhaustible Resources” – American Economic Review (1977). Dans une perspective de soutenabilité faible, où la substituabilité entre les capitaux est importante Hartwick propose une règle de compensation intergénérationnelle : les ressources prélevées par la génération actuelle doivent produire du capital qui doit être en mesure de remplacer les ressources naturelles. En d’autres termes, ) l’intégralité de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles doit être investie dans le capital reproductible (technique et humain notamment). La priorité est que le stock global de capital soit constant d’une génération à l’autre, peu importe sa composition. Toute perte de capital naturel doit alors être compensée par un gain d’une autre forme de capital.
La soutenabilité forte
La soutenabilité forte de la croissance, en revanche, met l’accent sur la compatibilité de la croissance avec les limites écologiques de la planète. Selon cette approche, la croissance ne peut en aucun cas être considérée comme soutenable à long terme si elle entraîne une surexploitation des ressources naturelles ou une dégradation de l’environnement. Dans ce cas, le capital naturel est nécessaire et non compensable par des innovations. La soutenabilité forte de la croissance implique de prendre en compte les incidences de l’activité économique sur l’environnement et sur les ressources naturelles et de mettre en place des politiques visant à réduire les externalités négatives.
Cela peut passer par l’adoption de technologies moins polluantes, par la promotion de l’utilisation de ressources renouvelables ou par la mise en place de systèmes de gestion durable des ressources naturelles. La soutenabilité forte de la croissance est souvent associée aux approches de l’économie écologique, qui mettent l’accent sur la nécessité de respecter les limites écologiques de la planète et de préserver les ressources naturelles pour les générations futures. Il faut donc protéger les ressources pour prévenir leur disparition.
Quelques références théoriques / historiques pour creuser le sujet :
- L’économie de la décroissance : Cette approche, qui a émergé dans les années 1970, soutient que la croissance n’est pas soutenable à long terme et qu’il est nécessaire de passer à une économie de décroissance. Selon cette approche, la décroissance doit être menée de manière équitable et être accompagnée de réformes sociales et politiques. Un ouvrage phare de cette approche est « Petit traité de la décroissance sereine » de Serge Latouche (2007). Latouche met en avant la nécessité de développer une économie plus sobre et plus respectueuse de l’environnement, qui privilégie la qualité de vie et le bien-être des individus plutôt que la croissance quantitative.
- Depuis les années 1970, de nombreuses initiatives ont été prises pour promouvoir un développement durable, c’est-à-dire une croissance qui soit économiquement viable, socialement équitable et écologiquement soutenable. L’un des événements les plus marquants à ce sujet a été la publication, en 1972, du rapport du Club de Rome intitulé « Halte à la croissance » (« Limits to Growth »), qui préconise une croissance zéro pour préserver l’équilibre écologique et les ressources naturelles. De même, Nicholas Georgescu-Roegen (1971, La décroissance : entropie, écologie, économie) développe le concept de décroissance, soit une réduction de la production de biens et services pour préserver l’environnement.
- L’approche par les capabilités : Cette approche, développée par Amartya Sen et Martha Nussbaum, met l’accent sur la nécessité de mesurer la croissance en termes de bien-être humain. Le bien-être ne se mesure pas seulement en termes de consommation, mais doit prendre en compte l’ensemble des possibilités de choix et d’actions qui sont ouvertes aux individus. Selon cette approche, la croissance est soutenable lorsqu’elle permet d’améliorer les conditions de vie des individus et de réduire les inégalités. Elle met en avant la nécessité de mettre en place des politiques qui permettent de garantir un certain niveau de bien-être pour tous et de favoriser l’épanouissement des individus. ouvrage phare de cette approche est « The Capacity to Achieve » de Sen et Nussbaum, publié en 1985.
Une incompatibilité entre soutenabilité faible et forte ?
Il est important de souligner que la soutenabilité faible et la soutenabilité forte ne sont pas nécessairement contradictoires. En effet, il est possible de concevoir une croissance qui soit à la fois viable sur le long terme et respectueuse de l’environnement.
La soutenabilité de la croissance reste un défi complexe qui implique de trouver un équilibre entre différentes dimensions, comme l’économie, l’environnement et le bien-être humain. Il est essentiel de prendre en compte ces différentes dimensions de manière équilibrée afin de garantir un développement durable à long terme. Il vous faut faire preuve de nuance lorsque vous abordez ces questions en dissertation et vous armer de références théoriques mais aussi d’illustrations empiriques sur la question.
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