Alors que les résultats des concours 2025 viennent à peine de tomber, l’heure est déjà à la projection vers les concours 2026. Deux nouvelles thématiques sont désormais au programme pour la session 2026 : en Histoire, une plongée dans un siècle de recompositions étatiques au Moyen-Orient ; en Géographie, une analyse fine des dynamiques des « mondes indiens ».
Cet article se veut un premier repère pour les candidats : il présente les deux sujets, analyse les lettres de cadrage publiées par les jurys, puis propose une première série de conseils méthodologiques et bibliographiques, en tenant compte des erreurs fréquemment relevées par les correcteurs.
Les deux thèmes au programme pour l’année 2026
- Le programme d’Histoire commun aux ENS de Lyon et Ulm s’intitule : « La construction des États au Moyen-Orient (1920-2011) ».
- Celui de Géographie, propre à l’ENS de Lyon, propose : « Mondes indiens ».
Analyse de la lettre de cadrage en Histoire
Le programme d’Histoire s’écarte résolument d’une lecture purement diplomatique ou impérialiste du Moyen-Orient. Le récit ne commence pas avec Sykes-Picot, mais avec la complexité des héritages post-impériaux ottomans et qadjar. Le rôle des puissances mandataires y est abordé, mais replacé dans un récit beaucoup plus centré sur les élites et les sociétés de la région.
Plusieurs aspects structurent la lettre :
- Une chronologie longue (1920-2011), permettant d’articuler les indépendances, les révolutions, la Guerre froide et les printemps arabes.
- Une attention portée à la diversité des trajectoires étatiques, avec des cas arabes (Égypte, Syrie, Liban…) et non arabes (Turquie, Iran, Israël), et à ceux des nations sans État comme les Kurdes ou les Palestiniens.
- Une volonté claire de centrer le propos sur les acteurs locaux, les mobilisations sociales, les contestations politiques, les réformes économiques.
- Une invitation à mobiliser un certain nombre de notions-clés : islamisme, confessionnalisme, tribalisme, patrimonialisme, État rentier…
L’objectif affiché est d’armer les étudiants d’une culture politique et historique sur une région qui reste, dans le débat public comme dans les concours, mal connue ou caricaturée. L’exigence est moins celle de l’exhaustivité que de la pertinence et de la capacité à penser les dynamiques structurelles.
Analyse de la lettre de cadrage en Géographie
La lecture de la lettre de cadrage permet de distinguer 6 grands enjeux qui constitueront le socle des cours de préparation. Ceux-ci seront traités avec une diversité d’exemples, ainsi qu’une explication du cadre théorique:
- La compréhension du territoire d’un point de vue historique et biophysique : l’unité de ce territoire est véhiculée par des éléments de géographie physique majeurs (bassins hydrographiques, plaque lithosphérique…) ainsi qu’une histoire commune qui a influencé les hiérarchies et les pratiques sociales.
- L’analyse de la diversité culturelle du territoire (religion, langue, fonctionnement social…) et des dynamiques démographiques. A ce titre, il faudra étudier les recompositions spatiales de sociétés encore très marquées par la ruralité mais en proie à une urbanisation rapide et spécifique selon les territoires.
- La question des inégalités demeure centrale dans ce sous-continent : les rapports sociaux et leurs conséquences spatiales feront l’objet d’analyse mêlant questions sociales, économiques, politiques et environnementales; le tout s’insérant dans le cadre plus vaste des changements environnementaux globaux.
- Les systèmes productifs (industriel, agricole) devront aussi faire l’objet d’une étude attentive. Ceux-ci se sont transformés rapidement, en raison de la mondialisation et de l’émergence de la région. Celle-ci a conduit à l’affirmation de secteurs stratégiques qui ont transformé les territoires des grandes métropoles, notamment en Inde. Les interactions entre les espaces productifs centraux et les espaces périphériques seront aussi à étudier afin de comprendre la complexité et la diversité du système productif.
- La construction politique du territoire et son évolution (frontière, interactions entre les Etats, systèmes politiques) fourniront des clés de lecture des dynamiques contemporaines, tant à l’échelle globale que locale. Cela sera aussi l’occasion de revenir sur la diversité des systèmes politiques, de la démocratie fédérale en Inde aux républiques islamiques du Pakistan; ainsi que sur la géopolitique régionale.
- Croiser les échelles d’analyse et ne pas tomber dans le piège d’une « approche misérabiliste ». Pour cela, les exemples étudiés et travaillés en cours devront donne une perspective nuancée afin de donner à voir toute la complexité et la richesse géographique de ce territoire en mutation.
Erreurs fréquentes et bibliographie
Histoire
En Histoire, le jury attend des dissertations bien problématisées, argumentées et contextualisées pour performer aux écrits. Les erreurs fréquentes relèvent :
- d’une absence de structuration rigoureuse : plans vagues ou déséquilibrés,
- d’un récit trop événementiel, qui oublie les dynamiques sociales et les enjeux profonds,
- d’un déficit de recul historiographique, alors que la question est justement conçue pour ouvrir à des débats (autonomie des sociétés, place des États…)
La bibliographie recommandée dans la lettre est un point de départ solide :
- P. Blanc & J.-P. Chagnollaud, Atlas du Moyen-Orient (2023)
- O. Bouquet et al., Histoire du Moyen-Orient (2016)
- H. Bozarslan, Sociologie politique du Moyen-Orient (2011)
- A.-L. Dupont et al., Le Moyen-Orient par les textes (2011)
Géographie
En Géographie, les erreurs les plus fréquentes portent sur :
- la faible mobilisation d’exemples localisés et analysés en profondeur,
- un traitement trop descriptif ou déséquilibré entre les sous-espaces,
- une mauvaise gestion des échelles : il faut articuler local et global, urbain et rural, national et régional.
Ouvrages de référence :
- F. Landy & A. Varrel, L’Inde. Du développement à l’émergence (2015)
- P. Cadène et al., L’Inde : une géographie (2015)
- Les dossiers de Géoconfluences et de la revue Urbanités, très riches pour les études de cas.
Un mot sur les experts sollicités
Pour la question de géographie, le jury a fait appel à Frédéric Landy, professeur à l’Université Paris Nanterre et membre de l’UMR LAVUE. Ses travaux sur le développement territorial, les inégalités spatiales et les dynamiques rurales et urbaines en Inde font de lui une figure incontournable du champ. Le nom du ou des expert·e·s en Histoire n’est pas précisé dans la lettre. Les ouvrages de référence indiquent toutefois une orientation vers les grandes figures de l’historiographie sociale et politique contemporaine du Moyen-Orient.
Comparaison avec le programme 2025 et dernier mot
Si l’on compare les thèmes proposés en 2025 à ceux annoncés pour 2026, une évolution subtile mais significative se dessine. Le fil rouge demeure : complexité des enjeux, croisement des échelles, et ancrage dans les grandes problématiques contemporaines. Mais l’accent se déplace : les focales spatiales changent, les objets d’étude s’ouvrent davantage à l’international.
En Histoire, le programme 2025 portait sur « Exilés, réfugiés, étrangers en France (1848-1986) ». Une question nationale, sociale et juridique, centrée sur les circulations migratoires en contexte français. En 2026, le cap est résolument tourné vers l’international, avec « La construction des États au Moyen-Orient (1920-2011) ». La complexité reste, mais le regard change.
En Géographie, on passe de « L’eau, étude géographique » – un thème transversal, aux échelles multiples – à « Mondes indiens », plus ancré dans la diversité des contextes politiques et sociaux de l’Asie du Sud. Après une année centrée sur une ressource universelle, les candidats devront composer avec les recompositions territoriales, les fractures sociales et les tensions géopolitiques d’un espace fragmenté, mais décisif à l’échelle mondiale.
Le concours 2026 ne sera donc pas nécessairement plus difficile. Il exigera néanmoins un effort renouvelé d’adaptation intellectuelle : changer d’échelle, de région, parfois même de registre d’analyse.
Performer en Histoire et en Géographie avec Mission Prépa
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