Quoi qu’il en coûte, vraiment ?

par | 10 Nov 2020 | Actualités, Economie, sociologie et histoire

Mario Draghi affirmait après la crise grecque de 2012 que la BCE serait prête à faire tout le nécessaire pour maintenir la stabilité de l’euro. Emmanuel Macron, lors d’une récente allocution reprendra ces mots en soutenant que tous les moyens seraient mis en œuvre pour faire face à la crise sanitaire actuelle. Quels sont ces moyens ? Combien coutent-ils effectivement ? Sont-ils viables ?

La France en crise

Entrepreneur, Idée, Compétence, Vision, Cible

N’en déplaise aux détracteurs de Keynes, la France s’est dès le début de la crise affirmée comme une figure de proue en termes de relance budgétaire. Paul Krugman qui vilipende tant les “austèriens” dans Pourquoi les crises reviennent toujours? (2012) doit être ravi d’apprendre de telles mesures. A travers un plan de relance de 100 Milliards d’euros, une réelle volonté de limiter les effets de la crise s’est dessinée à Bercy. Mais les effets sont bien là, entre une récession de 10% en 2020 , un taux de chômage qui frôlerait aussi les 10% d’ici décembre selon l’INSEE , et les faillites d’entreprises qui devraient bondir de 25% en 2020 selon Coface, les conséquences de cette crise seront, sans nul doute, totalement désastreuses.

Une relance verte ?

Cependant, cette dernière a aussi pu, dans une certaine mesure, s’avérer paradoxalement providentielle. Au-delà de l’effet de purge des entreprises les plus faibles qui serait bénéfique à l’économie selon J.A.Schumpeter dans Business Cycles,1939 (posant par la même occasion un questionnement profond sur la nature de la nouvelle concurrence des GAFA, CF Sujet ESCP 2020), celle-ci semble permettre un tournant écologique majeur.(C’est l’un des 3 piliers de la relance française) Ce “New deal vert mondial” pour lequel Jeremy Rifkin milite tant ,semble se profiler bien plus rapidement en ces temps désastreux. Et sans aller jusqu’à reprendre le titre de l’émission animée par Yves Montand en 1962, “Vive la crise”, la collaboration européenne sans précédent qu’elle a fait émerger nous incite à en souligner les bénéfices inattendus. 750 Milliards d’Euros ont ainsi été levés dans le cadre du plan budgétaire européen « Next Generation EU » mis en place dès le mois de Mai dernier.

Un policy-mix mobilisant l’ensemble des institutions

Comme l’a théorisé John Hicks en 1936 (Mr Keynes and the classics), une relance budgétaire sans appui monétaire n’est que vaine. La BCE l’a compris en posant en renfort de ces mesures budgétaires un appui monétaire fort. En maintenant évidemment ses taux directeurs à 0% comme elle le fait depuis quelques années d’une part, mais avant tout en approfondissant le programme de Quantitative Easing mis en place depuis 2014. Ce ne sont pas moins de 1350 milliards de dollars d’actifs qui sont peu à peu rachetés par la BCE dans le cadre du « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP) cette année (dont la dimension écologique forte est aussi de bonne augure). Enfin, la banque des banques assure que ces mesures seraient menées à long terme (communiqué de presse du 30 Avril 2020 de la BCE), suivant alors le principe de Forward Guidance que Mario Draghi avait déjà choisi en 2012, dans la tourmente de la crise de la dette grecque.

Face à l’urgence de la situation, la Commission Européenne est par ailleurs intervenue en levant les contraintes budgétaires mises en place par le TSCG de 2013. Comme l’a assez justement affirmé Bruno Le Maire, « L’addition, ce n’est pas le sujet. A un moment donné, il sera bien temps de faire les comptes, mais aujourd’hui, la mobilisation est totale pour sauver notre appareil de production, et garantir qu’il y ait le moins de faillites possible dans notre pays ».

La dette : le retour du bâton budgétaire ?

Ainsi, bien qu’il soit probable que peu de restaurateurs soient aptes à nous présenter l’addition, il sera nécessaire de la régler, et celle-ci sera salée : Le déficit public de l’année 2020 s’élèvera a priori à 9% du PIB, et la dette publique qui passait avec inquiétude la barre des 100% en novembre dernier s’élève aujourd’hui à 115% du PIB. Même l’Allemagne abandonne son principe de “Schwarz-Null” en consentant à un déficit budgétaire de 4% cette année. De tels chiffres n’ont pas été observés depuis la crise de 1929, pas même durant la tornade bancaire de 2008. Les inquiétudes laissent alors place à de profondes angoisses. Les économistes les plus pessimistes, à l’instar de Jean Marc Daniel soutiennent que la dette est intrinsèquement mauvaise, car résulte de l’accumulation de déficits conjoncturels. La situation actuelle est donc catastrophique. Mais le contexte économique actuelle de taux d’intérêts très (très) faibles, voire négatifs pousse par exemple Olivier Blanchard a affirmé que l’endettement ne “coute pas cher”, il est indolore pour les Etats. Il est vrai que cet environnement économique rend l’endettement plus aisé, mais jusqu’où un Etat peut-il s’endetter ? Peut-on penser une économie d’endettement public perpétuelle ? (Les Etats-Unis étant un cas d’école en la matière avec une dette publique s’élevant aujourd’hui à 98.2% de son PIB et un déficit public de 16% en 2020)

Des mesures d’urgence face à une crise sanitaire inattendue

Il convient de noter que les différents gouvernements français et européens ont su fournir des réponses rapides et efficaces au vu des circonstances actuelles totalement inattendues. Ne reculant face à aucune dépense, ces derniers ont su mettre en place la totalité des outils conjoncturels à leur disposition.

Si la menace d’une épidémie semblait totalement irréelle pour la plupart des étudiants lors de la présentation du modèle des cycles réels de Kydland et Prescott (Long time build and Aggregate fluctuations, 1982), nous avons aujourd’hui bien affaire à un événement si extraordinaire ; Tâche aux gouvernements de continuer d’en limiter les effets…

Cet article pourra être d’une grande utilité pour traiter divers sujets aussi sur les crises et les politiques conjoncturelles que sur l’endettement par exemple. Un tel cas d’école mettant en jeu toute l’économie peut ainsi être utilisé de manière transversale dans de nombreuses copies de concours. Le plan de relance européen aurait aisément pu être abordé en réponse au sujet Ecricome 2020 par exemple.

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