La technologie : un atout de taille sur l’échiquier géopolitique
En juin 2020, la Chine lançait son dernier satellite pour finaliser son système GPS Beidou. Elle s’émancipe ainsi davantage des systèmes GPS américains et européens, jusqu’alors leaders dans le domaine. Ceci s’inscrit dans une politique chinoise très agressive dans le domaine de la technologie : toujours plus de ressources financières y sont consacrées et la Chine traite d’ores et déjà une quantité non négligeable de données 5G.
Comme à son habitude, la Chine défie les États-Unis sur un terrain assez sensible. Le gouvernement souhaite sûrement remettre en question l’hégémonie américaine grâce à ses nombreuses innovations en quelques décennies seulement. En ce moment, le regard du monde entier se tourne vers la RPC, en attendant impatiemment le prochain lancement de sa fusée pour Mars.
La technologie, c’est l’étude des outils et des techniques, comprenant les sciences appliquées, les connaissances et les métiers qui lui sont associés. La maîtrise de la technologie a toujours constitué un facteur discriminant entre les puissances, dis-moi quel degré de technologie tu maîtrises et je te dirai ta place sur l’échiquier géopolitique mondial… En effet que pouvaient les arcs éthiopiens face aux chars de Mussolini ? Le développement de la technologie est intimement lié à l’effort de recherche, qui est l’ensemble des actions entreprises en vue de produire et développer des connaissances scientifiques… mais pas que.
En effet la recherche s’exerce aussi dans les domaines économiques, de sciences sociales, de géopolitique … Il faut bien comprendre que l’effort de recherche permet la mise à jour des connaissances et nombreux sont les chercheurs ayant mis au point des concepts clés en géopolitique et ailleurs. Nommer c’est s’approprier, c’est donner le ton, c’est peser en soft power sur l’échiquier géopolitique mondial. Ceci explique que la course à la R&D (recherche et développement) ait été lancée : la maîtrise d’une technologie de pointe couplée à un effort de recherche soutenu, durable et de haut niveau est un formidable vecteur de puissance et un pilier fondamental de l’influence.
Ainsi on peut se poser plusieurs questions sur le rôle de la technologie et de la recherche vis-à-vis de la puissance. Quid de la technologie moderne et de son développement à une vitesse exponentielle ? Quid de la maîtrise de la technologie et de ses limites éthiques ? Comment la technologie peut-elle aider l’homme à surmonter les défis contemporains (véritable vecteur de soft power pour celui qui y remédie) ? Comment la technologie et la recherche discriminent-elles les puissances entre elles et dans quelle mesure représentent-elles un enjeu d’avenir absolument fondamental ? La maîtrise du progrès technique illustre-t-elle réellement les rivalités de puissances et la hiérarchie mondiale à travers l’histoire ? (N.B. : Le sujet Ecricome 2020 traite des aspects de la technologie et de la recherche dans les rapports de force mondiaux, si cet aspect est central j’essaierai d’élargir le propos, pour que cela vous serve aussi bien en géopolitique qu’en essai de langues par exemple).
Le progrès technique comme déterminant de la puissance d’un Etat
La technologie est le pilier fondamental de la puissance : elle permet de bâtir la puissance économique car elle repose en partie sur la capacité à innover notamment dans les procédés appliqués qui améliorent la production. Ceci assure la croissance économique et la domination des puissances rivales : c’est ce qui explique la domination du Royaume-Uni jusqu’au début du XXe siècle, des USA depuis les années 1910-20 et les exploits économiques Allemands et Japonais après 1945 (même si pour le Japon il s’agit majoritairement d’adaptation et d’amélioration des procédés occidentaux « à la sauce japonaise »). Aujourd’hui des puissances peuvent se retrouver dépassées dans ce domaine : la France qui investit faiblement en R&D (~2,2% PIB) accuse un retard qui peut lui coûter cher dans le domaine du numérique. Et on peut élargir à l’Europe qui hormis Spotify en Suède ne dispose pas réellement de champion du numérique. Les USA ont les GAFAM, les chinois ont les BATHX, le manque de puissance européenne s’explique en partie par son retard dans le domaine digital. En outre la puissance militaire et politique est dépendante de la technologie car elle permet de faire la guerre, surtout dans un contexte de « robotisation » des conflits armés.
Pour vous en convaincre, voyez la véritable escalade technologique que le monde connaît aujourd’hui : les drones et leur capacité d’assassinat rapide, le développement d’ « arachnobots » véritables araignées de combat disposant d’un arsenal conséquent, les innovations en terme de propulsion sous-marine (surtout chinois) et de missiles extra-atmosphérique qui impliquent la mise au point de boucliers anti-missiles …. La technologie explique la suprématie militaire américaine, notamment sur l’eau avec une marine de guerre exceptionnelle (11 porte-avions nucléaires à disposition lorsque les autres puissances en ont un ou deux maximum …). Enfin la puissance culturelle rayonne à travers la diffusion et l’exportation de la technologie. La qualité de la recherche et la diffusion des connaissances et de l’innovation (Prix Nobel) jouent sur l’attractivité des pays pour les intellectuels étrangers.
La technologie comme facteur de rivalités entre les grandes puissances
On a ainsi assisté à une véritable course au progrès technique, facteur de rivalité entre les puissances depuis le début du XXe siècle : En retournant en arrière, on voit que les rapports de puissance sont largement déterminés par le positionnement dans la deuxième révolution industrielle. L’avènement de nouvelles technologies comme l’électricité, le pétrole et l’automobile bouleversent la hiérarchie en place : les late-comers (tard venus : Allemagne, USA) qui maîtrisent la technologie de pointe prennent la place des anciennes puissances technologiques (RU, France). Cependant la puissance ne se réduit pas à la technologie : l’empire colonial, le rayonnement culturel, intellectuel et diplomatique jouent pour beaucoup. La Seconde Guerre Mondiale est un tournant : le niveau technologique détermine clairement la supériorité entre les puissances : on parle alors de « Supergrands Nucléaires » (Hiroshima, Nagasaki). La Guerre Froide lance la course à l’espace : on voit bien ici que la puissance ressort de l’exhibition de nouvelles technologies avancées, faisant l’objet d’une véritable propagande (Qui aura la plus grosse fusée et qui ira en premier à tel ou tel endroit sera légitimement supérieur à l’autre).
On peut donc noter que les efforts scientifiques et techniques nationaux sanctionnent la hiérarchie des puissances depuis le début du XXIe siècle. Nombreux sont les exemples de domination par suprématie technologique : c’est le cas des Etats-Unis depuis la fin des années 80, retrouvant une certaine assise technologique et participant grandement à une certaine hégémonie (largement remise en cause à partir des années 2000). L’économie américaine se base ainsi sur la connaissance et l’information qui permettent l’innovation et la conservation d’une longueur d’avance sur ses concurrents. En outre, le fait que les puissances de second ordre cherchent à renforcer leurs efforts en R&D témoigne de l’importance croissante que la recherche prend sur l’échiquier géopolitique mondial… Le Japon au dessus des 3 %, Israël à plus de 4% et les économies de pointes accusent un gros investissement en R&D.. C’est ainsi que les puissances émergentes cherchent inlassablement à combler leur retard : l’Inde est une superpuissance dans le domaine informatique avec une expertise reconnue à l’international, la Chine investit tous azimuts dans la recherche spatiale, dans le hardware, les exemples ne manquent pas.