Le contrôle des espaces maritimes : un enjeu majeur
Le Cardinal de Richelieu, au soir de sa vie, écrit ces mots : « Les larmes ont un goût salé pour rappeler aux souverains déchus la mer qu’ils ont ignorée ». Ceci nous rappelle ô combien la mer et plus largement les espaces maritimes sont d’une importance cruciale dans un monde désormais mondialisé. Déjà Alfred Mahan, Amiral de la marine américaine, la décrivait comme fondamentale dans la quête de puissance, via son célèbre ouvrage « The influence of Sea Power upon History ».
Les espaces maritimes induisent :
- Des enjeux stratégiques pour les opportunités géographiques de projection de flotte ou d’armée
- Des enjeux économiques pour le transit des ressources et notamment les ressources halieutiques
- Des enjeux culturels par l’appropriation de ces espaces et leur dénomination qui fait l’objet de conflits toujours plus véhéments (voire en mer de Chine ~mer d’asie de l’est ?).
Lorsque l’on parle de la mer en géopolitique, il vous faut savoir que cela inclut l’ensemble des espaces maritimes mais également les littoraux mis en valeur économiquement (dans le sujet ESSEC/EDHEC 2020 le « bassin méditerranéen » invitait à parler du pourtour méditerranéen), il ne faut donc pas évacuer les façades maritimes ! De même, le concept de puissance est à considérer au niveau économique, politique, socio-culturel et stratégique.
A l’heure où 70% du commerce mondial se réalise par voie maritime, l’accès à ces ressources est au cœur des préoccupations des Etats du monde. Les nouvelles routes de la soie permettent à la Chine de s’approvisionner en matières premières tout en évitant la voie maritime plus périlleuse qui contourne l’Inde et l’Afrique. Sous surveillance de la marine américaine, cette dernière est en proie à la piraterie. Le sujet est extrêmement large, je me concentrerai ici sur la dimension économique des espaces maritimes. Pour une vision plus générale, téléchargez notre dossier de géopolitique deuxième année.
Le rôle des espaces maritimes dans le commerce international
Espaces maritimes et développement économique des pôles de la Triade
Historiquement, depuis l’âge d’or de la puissance Britannique au 19 ème siècle, la mer a joué un rôle majeur dans le développement des grandes puissances économiques de ce monde. Mais dans un contexte de Globalisation, à une heure où les transports se réinventent et où l’espace-temps semble se contracter, la mer est-elle toujours un enjeu économique et géopolitique de premier ordre (comme atout ou handicap) ? Si telle est le cas, prospectivement la question maritime est-elle condamnée à engendrer toujours plus de conflits ?
Le facteur commun aux grandes puissances économiques mondiales est leur forte projection maritime. En témoigne, la puissance thalassocratique indéniable des Etats-Unis, de même que le développement de la flotte maritime des grandes puissances asiatiques. La Chine et le Japon ont été au cœur de ce développement afin de s’imposer en mer de chine et de prévenir les conflits dans cette poudrière maritime. A noter que 9 des 10 premiers ports mondiaux sont asiatiques : cela témoigne d’un basculement du centre de gravité de la puissance maritime. Ces espaces portuaires sont aujourd’hui au cœur du concept de mondialisation.
Certains sont très anciens comme ceux d’Hambourg, d’Anvers et d’Hong Kong. D’autres, comme ceux de Shanghai, Canton et de très rapidement ces trente dernières années. Le rôle de la mer est grandissant et représente aujourd’hui plus de 75% des échanges commerciaux internationaux. Les échanges se sont intensifiés notamment grâce à l’institutionnalisation des échanges (GATT), la littoralisation de nombreuses activités industrielles et au progrès technique de la navigation. Le Japon est l’exemple parfait du succès de cette littoralisation : peu avantagé géographiquement et topologiquement, les activités se concentrent sur la partie littorale assez restreinte de l’île, induisant une densité de population élevée mais permettant une incroyable productivité des complexes industrialo-portuaires.
Interfaces maritimes et attractivité économique
En observant les puissances émergentes, on souligne que la majorité d’entre eux fonde leur développement en grande partie sur leurs ressources / activités maritimes. La Chine en est un exemple archétypal avec sa façade maritime ancestrale. Le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud profitent également beaucoup de la libre circulation des biens et services à l’échelle mondiale. Localement, les littoraux des pays en développement sont généralement des zones particulièrement attractives. Dans les pays les plus pauvres les ports représentent souvent des enclaves de développement relatif, où les bénéfices de la mondialisation sont perceptibles.
A l’inverse, l’absence d’accès à la mer peut fortement impacter le développement des pays enclavés (Bolivie, Mali, Niger ..) à l’exception des pays européens. Cependant ouverture maritime ne rime pas toujours avec croissance économique, encore faut-il l’exploiter ! L’Algérie est un bon exemple de pays qui n’a pas su suffisamment exploiter cette opportunité (cf chapitre sur l’Afrique avec une économie de rente basée sur les matières premières qui ne permet pas l’émergence de développement d’infrastructures en l’occurrence maritime ~ « dutch disease » ).
La littoralisation de l’économie
Enfin, plusieurs activités permettent de dynamiser les espaces maritimes et littoraux et rendent le rôle de la mer toujours plus fondamental. En effet on observe une implantation toujours plus fréquente des zones industrielles sur les littoraux. Et pour cause, cela réduit les coûts de transport, et est à l’origine du développement exponentiel des zones industrialo-portuaires. La production et le traitement du pétrole se localisent s’établissent dans les grands littoraux du monde. La majorité du trafic des grands ports mondiaux est consacrée aux échanges d’hydrocarbures. En outre, le poids des activités touristiques littorales est en plein boom depuis les années 1970. Ces zones sont créatrices de richesse et l’économie d’un pays peut en dépendre quasi-exclusivement, comme à Malte par exemple.
L’attractivité économique des littoraux provient d’effets d’entraînement successifs. Le commerce international est facteur de croissance économique. Or l’acheminement des produits est facilité par l’implantation des industries à proximité des ports. D’où la constitution d’immenses complexes industrialo-portuaires permettant d’optimiser les échanges commerciaux. Toutefois, cette préférence maritime introduit une fracture géographique favorise ces espaces à l’échelle nationale au détriment des zones enclavées et mal desservies.